A l'inverse de Tintin, Les Aventures de Jo, Zette et Jocko ne tirent pas leur origine d'une initiative personnelle mais d'une sorte de commande d'un hebdomadaire français.
Ainsi faisant, l'histoire éditoriale française puis belge de cette série, présente également des versions inédites ou rares, plus ou moins différentes les unes des autres.
Mais revenons à la chronologie. Ce sont les responsables de l'hebdomadaire français Cœurs vaillants - dans lequel Tintin était repris depuis des années - qui suggèrent à l'auteur de mettre sur pied de nouveaux héros.
A la direction de ce journal, on m'avait tenu à peu près ce langage : "Vous savez, votre Tintin, ce n'est pas mal, on l'aime bien. Mais voilà: il ne gagne pas sa vie, il ne va pas à l'école, il ne mange pas, il ne dort pas... Ce n'est pas très logique. Ne pourriez-vous pas créer un petit personnage dont le papa travaille, qui a une maman, une petite sœur, un animal familier ?"...
J'avais à ce moment-là des jouets chez moi pour un travail de publicité et parmi eux un singe appelé Jocko. Et j'ai donc fondé, à partir de ce Jocko, une petite famille nouvelle, vraiment pour répondre au souhait de ces messieurs de Cœurs vaillants en me disant qu'ils avaient peut-être raison. » (Numa Sadoul, Entretiens avec Hergé, p. 70.)
Cependant Hergé refusa de se plier au style qu'on lui proposait où chaque image devrait être commentée d'un texte à la manière des images d'Épinal ou de Christophe décrivant ce qu'on pouvait fort bien comprendre sans lui grâce aux phylactères, et dispersant l'attention du lecteur.
Les éditeurs se montrent donc perplexes sur Tintin qui n'a pas de famille et ne semble pas vraiment travailler (journaliste, on ne le voit par exemple jamais à son bureau).
Un compromis sera trouvé par Hergé via la création d'autres personnages (Jo, Zette et Jocko), dont la famille est jugée plus conforme aux normes du moment, en échange du renoncement au texte explicatif de chaque image.
Hergé réalisa trois épisodes de cette série, avant guerre, les deux premiers ayant été ultérieurement divisés en deux albums Casterman couleurs pour la parution dans les années 1950.
Jo, Zette & Jocko a paru d'abord dans l'hebdomadaire Cœurs Vaillants à partir de 1936. Cette parution dans cet hebdomadaire constitue donc la véritable version originale. Deux aventures en noir et blanc - avec couleur rouge de soutien - se succédèrent sans interruption et dans un format carré : Le Rayon du mystère en 73 planches, Le Stratonef H.22 en 80 planches, Jo et Zette au pays du maharadjah (24 planches mais récit interrompu en 1939 et qui ne reprendra qu'en 1952 dans le journal Tintin).
J'ai réalisé en album au format carré 30x30, tel qu'envisagé par Hergé et Casterman, le premier récit Le rayon du mystère : voir la page suivante de mon blog en cliquant ICI...
Les deux premières aventures ont paru avec seulement neuf mois de décalage dans Le Petit Vingtième en noir et blanc et remontées pour être au format A5 avec un nouveau lettrage. Le deuxième récit, Le Stratonef H.22 fut en partie publié avec deux couleurs de soutien, rouge et vert.
Les deux récits du Petit Vingtième ont été réédités par Casterman en 2003, avec les couleurs de soutien pour le deuxième album.
A partir de fin 1946, les deux aventures paraissent dans le Journal de Tintin créé au lendemain de la seconde guerre mondiale.
La parution du Rayon du mystère dans le journal de Tintin constitue une version différente des deux premières (Cœurs Vaillants et Petit Vingtième) mais également différente de celle qui sera utilisée pour la parution en deux albums couleurs Casterman au début des années 1950 (Le Manitoba ne répond pas et L'éruption du Karamako).
Le dessin du Rayon du mystère pour la parution dans le journal de Tintin est celui du Petit Vingtième mais reformaté et relettré et avec des demi-tons de noir ajoutés et une couleur rouge d'appoint, en aplat et demi-tons.
Il y a en conséquence, outre la version Cœurs Vaillants, la version du journal de Tintin du Rayon du mystère inédite en album. Pour cette version, les pages sont principalement au format A5 utilisé pour le Petit Vingtième, mais les 6 dernières seront reformatées en A4 et les 2 dernières sur les 6 seront mises entièrement en couleurs de surcroît.
Visuels des quatre versions du Rayon du mystère
Pour illustrer concrètement les quatre versions de ce récit, j'ai repris la première planche de l'aventure dans leur ordre successif de parution :
Le Rayon du mystère, version inédite journal de Tintin - C'est cette version inédite du Rayon du mystère dans le journal Tintin que j'ai réalisée en album privé.
Mon album est au format à l'italienne 28cm x 21cm, et présente deux planches A5 du récit par page. Pour les 6 dernières planches qui sont en A4, il est nécessaire de tourner l'album pour trouver le sens de lecture.
Je vous présente dans le pêle-mêle ci-dessous, la couverture, le verso et deux pages de mon album :
C'est le reformatage en A4 et la mise en couleurs qui seront immédiatement adoptés pour la parution du Stratonef H.22 dans le journal Tintin. Ce reformatage en A4 permet également la parution en albums Casterman qui se fera en scindant en deux parties le récit.
C'est pourquoi, pour la parution en albums Casterman couleurs au début des années 1950, c'est d'abord le récit Le Stratonef H.22 qui sera proposé en deux albums Le testament de M. Pump et Destination New York, puis dans un second temps le récit Le Rayon du mystère en deux autres albums Casterman couleurs, Le Manitoba ne répond plus et L'éruption du Karamako.
Ce n'est donc que pour la sortie en deux albums couleurs Casterman que la version moderne actuelle du Rayon du mystère fut publiée pour la première fois.