Hausman - Saki, Zunie et les bestiaires

René Hausman est demeuré longtemps en marge de la bande dessinée, dans un endroit où il ne se situait pas très ben lui-même, comme il le disait avec probablement autant d’humour que de lassitude : "Pour les gens de la BD je suis un illustrateur. D'un autre côté, les illustrateurs, eux, me prennent pour un peintre, quant aux peintres, ils me prennent pour un dessinateur de petits miquets...".

Mais Hausman se sentait probablement plus proche de l'illustration, et en cout cas son éditeur Charles Dupuis en était persuadé; il n'a donc jamais repris en album les bandes dessinées avec lesquelles René Hausman avait fait ses débuts à Spirou en 1958/59 - les aventures de Saki et Zunie, les deux enfants de la préhistoire. Elles n'ont été rééditées que de manière confidentielle.

Les esprits curieux et affutés se reporteront à la compilation des 7 premières histoires de Saki et Zunie, parue en 2008 chez "Noir Dessin" à 750 exemplaires (réunion de deux albums précédents de 1980, toujours en noir et blanc aux éditions Chlorophylle).

Et si les illustrations animalières de René Hausman ont eu l'honneur de beaux albums chez Dupuis, encore assez récemment (Le grand bestiaire - 2014), l'auteur, au fil de son parcours, est resté très fidèle à ses petits personnages, au point qu'il les reprenait régulièrement de décade en décade, sans même penser à en changer pendant au moins vingt-cinq ans - autant dire la moitié de sa carrière.

Ce n'est qu'à partir des années 1980 qu'il a imaginé un dessin qui convenait à sa façon de voir la bande dessinée et qui lui a permis de trouver sa place singulière dans un domaine dont il déplorait le cloisonnement.

Mais revenons à Saki et Zunie et passons de la décade 1950 pour arriver en 1968. L'album privé qui est proposé ici témoigne de sa tentative de revenir à la bande dessinée, avec un bestiaire...

46 planches furent ainsi publiées dans Spirou tout au long de l'année 1968, avant de disparaître pour longtemps.

Et ce n'est qu'en 2002 que le centre belge de la bande dessinée les a rééditées en grande partie (40 planches) dans un album intitulé Le manège enchanteur - sans aucune référence à Saki, Zunie et la Nature, le titre de la série originale.

Outre son tirage limité et circonstanciel, ce recueil s'insère dans une collection de très petit format (A5), et  les couleurs ont été refaites pour l'occasion.

Les couleurs méritent que l'on s'y arrête. Le panneau comparatif ci-dessous expose la question :

Alors que l'auteur avait donné là une de ses plus belles réalisations, le plus aimable qu'on puisse dire est que la seule édition en album qui existe ne lui rend pas justice. Pas tu tout même. Au début René Hausman dessinait ses planches sans trop penser qu'elles seraient réduites pour la publication, et qu'un bonne partie des détails disparaîtrait de cette façon.

Ensuite, puisqu'il ne pouvait pas travailler en couleurs directes comme il le faisait pour ses illustrations, il a pris soin de remplir lui-même les "bleus" pour l'imprimeur - contrairement à la plupart de ses confrères qui confiaient ce travail à des studios de coloristes. Vous pouvez constater avec cet extrait ci-dessous du 10° épisode, les limites de la reproduction en quadrichromie de l'époque, ou l'étendue des dégâts selon le point de vue que vous adoptez. Quant au problème de l'échelle de reproduction sur le support imprimé, nous l'avons traité plus haut.

Tout ça pour revendiquer que cette histoire aurait sans nulle doute mérité une de ces éditions "de prestige" au format 30x40... mais les originaux et les bleus ont été dispersés ou perdus et les chances de voir apparaître aujourd'hui une publication soignée de Saki, Zunie et la Nature sont bien minces.

Notons que dans le livre illustré pour enfant, Hausman s'afficha dans la collection du Carrousel chez Dupuis, avec le titre Saki et l'ours, collection des années 1960 bien connue des bédéphiles pour y attirer nombre d'auteurs de bandes dessinées, .

En espérant malgré tout que les éditions Dupuis rendent un jour notre travail obsolète afin de faciliter son accès au plus grand nombre, voici donc ce qu'il est possible de faire pour montrer cette bande dessinée disparue des années 1960 : cliquez ICI...

S'agissant de Zunie et les bestiaires, l'aventure continue.

Et comme nous l'avons dit plus haut, sautons une décade et arrivons aux années 1970. En France, Pilote fait sa crise d'adolescence et se rebelle. La bande dessinée devient adulte dit-on : des magazines comme Charlie Mensuel, l’Écho des Savanes, puis Métal Hurlant et (A suivre) représentent cette appellation. Les comix underground américain arrivent en Europe (Actuel en France).

Et les amis auteurs belges ne peuvent pas être entièrement déconnectés de ce mouvement de fonds dont la liberté d'expression graphique et scénaristique revendiquée ne peut qu'attirer les plus ambitieux.

C'est dans le Trombone illustré, le journal clandestin de Spirou fait dans la cave [!] que Zunie ornera la dernière page du supplément pendant sa courte période de parution en 1977. Trente numéros, le premier le 17 mars 1977 dans le Spirou n°2032, le dernier dans le Spirou n°2062 (quelques inserts dans le journal du n°2026 au 2030 annoncèrent la venue du supplément clandestin). Notons que Hausman réalisa également une Idée Noire ainsi qu'un des fameux titre de couverture du Trombone.

Les planches de Zunie du Trombone illustré seront reprises dans une édition confidentielle à 1250 ex. faite par une librairie, album que je pourrais moi même refaire, qui pourrait s'intituler Hausman et Zunie dans le Trombone illustré ? Une idée à creuser...

Le bestiaire de Hausman, quant à lui, connaîtra une version pleine d'umour et de dérision dans Fluide Glacial, à la fin des années 1970 également, planches réunies paradoxalement en 1991 chez Dupuis dans l'album Allez coucher, sales bêtes !